Assistant récemment à une People Review, je me faisais la réflexion que les
managers mercenaires font encore beaucoup de bruit ... En tous cas, ce sont
ceux dont on entend le plus parler, tant on sait bien que souvent, le
faire-savoir a autant d’importance que le savoir-faire.
Le manager mercenaire est le héros de l’entreprise. C’est le spécialiste
des « coups », celui qui éteint les incendies (allumés parfois par d’autres
mercenaires, qui entre temps ont été promus ailleurs). C’est celui qui clame
haut et fort « un bon manager n’a pas de problème, il n’a que des
solutions ... ». Le summum du mercenaire, c’est la mission de sauvetage
... Ah ! Quel manager n’a pas fantasmé de s’entendre dire un jour, en tête
à tête avec son propre chef, « Tu as carte blanche. La situation est
catastrophique, on compte vraiment sur toi ». Quel plaisir que de sentir
monter l’adrénaline, quel intime jouissance de se sentir indispensable l’espace
d’un moment ... Et après ce premier moment intense, quel sentiment de puissance
de pouvoir disposer des moyens et des gens, quel inégalable plaisir d’être
celui qui qui quitte le bureau le dernier, harassé, qui envoie des mails le
dimanche à des collaborateurs qui vont se battre pour être celui qui répond le
premier ... Et quel récompense d’en tirer les bénéfices, les primes sont
toujours données à ceux qui éteignent les incendies, beaucoup plus rarement à
ceux qui évitent de les allumer.
Bien sûr, les mercenaires n’ont pas le temps de s’occuper de faire grandir leurs
collaborateurs, ils ont seulement besoin de quelques hommes de main. Ce sont
souvent eux qui vont faire annuler les formations (il y a des urgences !),
et qui ne laisseront personne prendre d’initiative (c’est moi le Chef !).
Les mercenaires génèrent par essence
l’existence de fonctionnaires. J’emploie ce terme avec le plus grand respect
pour les fonctionnaires ... les fonctionnaires sont les personnels de
l’administration. Il faut bien en effet des gens pour administrer, gérer le
quotidien, la routine, établir des règles. Le modèle « commande &
contrôle » génère plus de règlements, moins de confiance, de la
déresponsabilisation, et donc plus de contrôle.
Je crois pourtant que c’est de missionnaires dont l’entreprise a besoin. On
ne fait pas pousser les plantes en tirant dessus, mais en semant, en arrosant,
en entretenant et en laissant du temps.
Le paradoxe, c’est que les entreprises aujourd’hui ont besoin d’être
toujours plus réactives face à l’imprévu, toujours plus agiles. Mais pour y
parvenir, la seule solution pérenne, c’est de faire grandir les personnes, Il
faut que chacun devienne autonome, soit formé jour après jour à faire face à l’imprévu,
à détecter, accepter et résoudre les problèmes. Et faire grandir les gens, c’est
comme faire pousser des plantes : il faut de la constance, de l’exigence,
du respect et du temps. Un vrai travail de missionnaire.
La seule façon de développer la réactivité et la proactivité de l’entreprise,
c’est d’investir à long terme sur les gens qui la composent.
Bien sûr, c’est beaucoup moins excitant a priori d’être un manager « fermier »
qui sème des graines, et prend soin de
sa récolte, et prépare le futur par une progression pas à pas que d’être un
manager « pompier », un héros qui sauve la boîte. Mais sur le long
terme, c’est beaucoup plus valorisant.
Le mercenaire arrive quand la catastrophe est déjà là, le missionnaire
utilise tous les signaux faibles qui vont lui permettre de prévenir la
catastrophe. Le mercenaire génère des comportements de protection (les fameux
indicateurs pastèques, verts au dehors mais rouges en dedans, car chacun ayant peur
d’être coupable va faire paraître que tout va bien). Le missionnaire accueille
les problèmes comme des opportunités d’apprendre.
Les missionnaires font moins de bruit, mais ce sont eux qui font marcher l’entreprise.
Il faudrait les entendre un peu plus ...
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